Bons résultats pour les spiritueux chez les cavistes en fin d’année

Un segment en pleine « craftisation » ? 

Malgré les contraintes et interdiction de grands rassemblements familiaux, les français ont finalement célébré Noel et la fin d’année en se faisant plaisir. Aux grosses angoisses exprimées par les cavistes en novembre, qui désespéraient alors de voir leurs boutiques désertes, ont finalement succédées des foules de clients. « ça a été la folie » dixit Hervé Gomas, installé dans l’Essonne (Les Caves d’Ô). Avec du coup des très belles ventes lors des dernières semaines de l’année. Notamment de spiritueux.

Quelles sont les tendances repérées par les cavistes en cette fin d’année ?

Les spiritueux semblent traversés par le phénomène de « craftisation » qui avait déjà  révolutionné l’univers des bières et permis l’explosion des microbrasseries. Les  consommateurs sont effet en attente d’authenticité et de qualités artisanales telles que portées par des petites marques ou des producteurs locaux. Ce qui a permis aux cavistes de valoriser en cette fin 2020 des découvertes originales et des pépites qui ont dynamisé le rayon spiritueux .

Des gros flux de clientèles sur les trois dernières semaines de l’année

Ces ventes records ont parfois permis de quasiment compenser les pertes liées à la crise sanitaire.

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La succession de confinements et déconfinements a en effet en 2020 profondément plombé l’économie et le moral des ménages.

Depuis mars dernier, les comportements d’achats et de consommation des français ont été bouleversé, profitant aux commerces alimentaires de proximité en général (voir article Cavistes, des commerces de proximité “à part”). La plupart des cavistes qui bénéficient de ce positionnement ont ainsi enregistré des fréquentations en hausse et recruté de nouvelles clientèles de particuliers. 

Ces nouveaux clients étaient donc là également à l’occasion des fêtes de fin d’année.

La conjoncture très particulière a en outre conduit de nombreux français à dépenser davantage à l’occasion de ces fêtes, donc d’augmenter nettement les paniers moyens dépensés chez les cavistes.

La combinaison de ces deux tendances a donc permis à beaucoup de cavistes de quasiment compenser l’absence des ventes aux restaurateurs, contraints à la fermeture.

« Le mois de décembre a été très valorisant surtout pour les achats cadeaux » rapporte Stanislas Moreau, qui en tant que Directeur Commercial France et Export de Whiskies du Monde (partenaire du SCP – voir ses Actualités en ligne) analyse une année 2020 marquée par des ventes « qui ont fait des montagnes russes » mais qui se termine finalement de façon positive pour le segment des spiritueux.

Rhums et Whiskys, des valeurs sûres

C’est le point fort des cavistes ; le rayon des spiritueux est devenu avec les années un univers vecteur d’une forte identité leur permettant de valoriser leur originalité et leur expertise. Les spiritueux représentent une part croissante du CA des cavistes,  franchissant même le seuil des 20% du CA moyen réalisé par le circuit selon les dernières statistiques établies en 2019.

Là encore, l’année 2020 semble avoir accéléré une tendance de fond et les nombreux témoignages recueillis pour préparer cet article convergent : « une progression toujours constante sur les ventes de spiritueux, surtout whiskys et rhums » résume Emilie Lecomte, caviste à Soif de Terroir (49). 

Les Whiskys et les Rhums se disputent toujours les deux premières places du podium. 

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Ce sera donc «whisky puis rhum » chez Cyril Coniglio  dans la Drôme (Rhône Magnum). Le whisky est leader aussi chez Elisabeth Yger, table et Vin (50) qui évoque un prix moyen de 50 euros, comme chez Fabrice Badré, le Caveau d’Ostwald (67) dont le CA spiritueux (38% de son CA, en hausse de 25% en volumes) est réalisé à 49,5% par les ventes de whisky et à 34,5% de rhum « dont 3,3% environ pour les rhums arrangés ». Les ordres de prix sont similaires chez Yoann Berlie La Dolia (34) qui confirme qu’une majorité des ventes de whisky et rhum est réalisée entre 45 et 65 euros.

Montée en gamme 

Chez Anne Cochepin-Lienhart, caviste  à Bischwiller (Les Pépites de vin – 67), ce sont par contre les rhums qui arrivent en tête avec 43 % des ventes puis les whiskies (20%). 

Témoins d’une histoire, d’un terroir, les rhums poursuivent en effet eux-aussi leur croissance grâce à un positionnement associant authenticité et évasion, une promesse particulièrement bienvenue. Si les rhums vieux et les Arrangés restent des classiques, le rhum de mélasse suscite en effet un nouvel engouement que confirme Hervé Gomas, qui dirige trois caves dans l’Essonne (Les Caves d’Ô).  « Le Rhum est vraiment devenu le deuxième spi derrière le whisky, constate aussi Stéphane Profit. La tendance est confirmée côté fournisseur : « Très grosses progressions des rhums agricoles Martinique, Guadeloupe, Réunion, Polynésie » selon La Martiniquaise, citant notamment Depaz dont les ventes ont explosé de + 62 %.

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Les situations varient donc cependant les cavistes et surtout visiblement selon les gammes qu’ils ont su créer et proposer à leurs clientèles.

Car ce que les cavistes expriment c’est que c’est l’originalité et des propositions de références artisanales et/ou locales qui ont payé. Et avec un leitmotiv très encourageant : les français ont acheté davantage de bouteilles « chères » :  Ainsi, chez Cyril Coniglio, également Meilleur Caviste de France (lors de l’édition du Concours de 2018), le prix moyen par bouteille a augmenté de 8% ; il observe en outre une demande grandissante de ventes en vrac ainsi que des références en « production limitée » sélectionnées en équipe par les trois premiers meilleurs Cavistes de France, ce que confirme Stéphane Alberti, qui a obtenu, lui, son titre de Meilleur Caviste de France en 2014, qu’il valorise très bien dans ses deux caves près de Clermont Ferrand.

Les témoignages s’accumulent.

Chez Stéphane Profit, « même si le prix moyen du rhum (30-40 €) reste en dessous du whisky (40-50€), on commence à flirter avec les 100 € sans trop de difficulté, certes sur un petit nombre de bouteilles mais c’est significatif ».

David Morin, nouveau caviste de bronze 2020, constate aussi de belles ventes en général en cette fin d’année “Les spiritueux ont représenté 35 % de mes ventes sur décembre” pour des bouteilles vendues en moyenne à 60 € mais montant parfois à plus de 150 euros.

« Des spiritueux inspirés ! »

« Les [cavistes] indépendants ont renouvelé leurs gammes, ils s’intéressent aux marques, en particulier celles absentes en GMS, au Faire plaisir, aux terroirs un peu oubliés, aux anecdotes, remarque Jean-Louis Denis, Directeur Commercial Hors Domicile et Caviste de La Martiniquaise qui constate aussi que « La crise a vu une explosion du consommer local, du « boire français ». Ce qui a donc aussi profité à ses produits classiques, français (« tels le Cognac -Gautier par exemple ») et aux références centrales du groupe, citant Marie Brizard et les apéritifs qui se sont rajeunis comme St Raphaël ou les crèmes de fruits Lejay-Lagoutte.

Le renouvellement est une évidence si l’on en croit la dynamique de gamme mise en œuvre par Stéphane Profit (agrappa la cave) sous l’intitulé « Spiritueux inspirés ». « Les clients sont en attente de références qui cassent les codes et comme dans le même temps cela correspond à l’émergence d’une génération de producteurs eux-mêmes “hors codes” comme les Cognacs Bourgoin, ….”

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Responsable d’un portefeuille de marques premium (The Macallan, Highland Park, Bowmore, Laphroaig, The Glenrothes, Connemara, Hibiki, Hakushu, Yamazaki, Toki, Cognac Courvoisier, Grand Marnier, Trois Rivières, Maison La Mauny, Appleton Estate), Stéphane Cronier, de Campari France (partenaire du SCP, voir ses Actualités commerciales) constate que 2020 a été en effet positive chez les cavistes en termes aussi bien de volumes que de valeur, ce qu’il explique par l’appétence des amateurs pour des produits plus chers. Cette montée en gamme requiert selon lui un besoin de conseils donc du caviste car « seuls eux peuvent assurer la réassurance nécessaire même sur des marques établies à forte notoriété ». Parmi les familles de produits qui ont performé en fin d’année, il évoque aussi bien des « grands classiques » des whiskies, notamment les Single Malt et les marques à forte notoriété ou à forte attractivité qui ont « tiré leur épingle du jeu » comme The Macallan (+10%) ainsi que les whiskies japonais de Suntory toujours très demandés. Il évoque également les Rhums Vieux, les gins premium et/ou les craft Gins, rappelant  aussi en tant que Directeur Marketing Spiritueux, le succès des coffrets cadeaux (1 bouteille + Verrerie) dans les établissements qui avaient la place de les stocker.

Grâce à leur souplesse et à l’extrême réactivité de toutes ces petites structures, plus agiles pour se réorganiser que les gros modèles, les cavistes ont donc réussi à déjouer les embuches … Des aptitudes du circuit prescripteur que décidément les producteurs et leurs interprofessions devraient davantage entendre et accompagner… et pas seulement en période de crise !

L’originalité paie

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« Belle progression du segment, se réjouit aussi Hervé Gomas, qui annonce +20% sur le rayon “grâce à un renouvellement de fond permettant d’explorer des références qui sortent de l’ordinaire et de travailler autre chose que les gammes classiques de Dugas ou La Maison du Whisky ». Et de constater le très gros intérêt pour les whiskys coréen et taiwanais de Whisky du monde, regrettant les quelques tensions provoquées par ces succès sur les approvisionnements. 

La diversité a payé en effet selon Jean-Louis Denis qui fait aussi état du succès des produits plus sophistiqués de la gamme de La Martiniquaise, des produits plus pointus, comme les inédits, comme les Small Batch, les Editions Limitées ou Spéciales, les Cuvées de petite série, les numérotées, les Brut de colonne, même plus onéreux. 

Une autoroute pour les Whiskys français

En Auvergne, Patrick Jourdain a constaté, lui, une forte demande pour les whiskies du bourbonnais, donc locaux, qu’il lui a même fallu recommander. C’est aussi dans son rayon de Whiskies français que Sébastien Lherbiez, La Part des Anges (66) remarque sa plus belle progression, citant notamment Michel Couvreur, Armorik, Rozelieures…

Constat confirmé côté producteurs. 

« Les whiskies français prennent de plus en plus de place dans la catégorie whisky, même si cela reste encore une niche » constate Stanislas Moreau de chez Whisky du Monde. Notre gamme Evadé, lancée en 2019, répond également à une demande ‘’Cœur de marché’’ avec 3 références : Single Malt à 39,90 €, Tourbé Single Malt à 49, 90 €, Red Wine fini en fûts de grands vins rouges à 54,90 € aux canisters originaux. Nous pouvons parler de croissance à 2 chiffres sur l’univers des whiskies français. » 

 « On reconnait enfin que la France est un pays agricole avec des eaux de grande qualité, un savoir-faire assez exceptionnel dans la distillation entre autres. Fin 2020 a donc vu un effet accélérateur de la demande que ce soit en tant que cadeau ou pour se faire plaisir. » se réjouit JL Denis en parlant du whisky français, un peu dormant jusqu’alors, qui a aussi bien progressé chez La Martiniquaise.

« Avec 167 producteurs sur le marché français et un retour d’expérience de bientôt 30 ans, cite Stéphane Profit, la production arrive à maturité et je suis persuadé que les prochaines stars internationales du whisky seront françaises ! »

 Le retour du digestif

En cette époque de confinement et du repli sur son chez-soi, c’est aussi le temps du digestif, symbole d’un art de vivre à la française qui s’est rappelé aux bons souvenirs des français en cette fin d’année si particulière. 

Quasiment tous les cavistes interrogés ont confirmé une demande accrue.

Vendus le plus souvent (60-70 % selon les témoignages) dans le cadre de cadeaux, ce nouvel engouement pour les digestifs a profité aussi bien aux marques reconnues qu’aux petites productions.

Mais la tendance n’est cependant pas forcément seulement à imputer à l’effet covid si l’on entend le témoignage de Patrick Jourdain, Président du Syndicat des Caviste Professionnels mais aussi et surtout caviste dirigeant de trois points de vente en Auvergne, près de Vichy, à Thiers et St Pourçain : déjà l’année précédente l’enrichissement de sa gamme en références originales avait en effet inspiré un de ses clients-restaurateurs qui trouva la bonne idée dans son établissement gastronomique, de proposer pour animer la fin du repas, un chariot de spiritueux.

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Le succès immédiat de la formule avait alors suscité son imitation rapide par un autre restaurateur qui là encore a puisé dans la gamme large et originale du caviste pour construire son propre chariot de digestifs. Sans compter les achats supplémentaires réalisés chez le caviste par les clients ayant découvert au restaurant grâce à ses chariots de fin de repas des références qui les avaient séduit  et incité à acheter pour leur consommation à domicile.

Le Cognac REVIENT !

La tendance profite particulièrement bien au Cognac et à l’Armagnac. 

Belle surprise selon David Morin, caviste de bronze 2020 à La Cave de Villiers sur Marne (94) qui reconnait avoir développé sa gamme suite aux rencontres de producteurs cognaçais lors du Concours ; sa sélection personnalisée s’est à sa grande surprise vendue « pratiquement toute seule, sans mise en avant ».

Chez Emilie Blaise aussi, dans les Ardennes (Le Chai de Givet), les ventes des millésimés de Montal (Armagnac) ont augmenté, ainsi que chez Patrick Jourdain, qui a constaté des ventes de Cognac en cette fin d’année effectivement plus dynamiques que d’habitude et ce notamment dans des segments de prix plutôt élevés (80 à 125 euros).

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« J’ai refondu mes gammes cognac et calvados, explique Hervé Gomas, la Cave d’O (91) et cela a marché !  Ce sont ces deux familles qui dopent le rayon, le Cognac notamment avec les millésimes et un gros travail sur la mise en avant par gamme de prix. Un peu la « technique de l’escalier », on ouvre à 58 euros mais on vend de 65 à 125 euros après que le client ait passé en revue et dégusté en mignonettes les autres cuvées. 

Ils recherchent des produits haut-de-gamme et pas courants, par exemple Ragnaud Sabourin pour le cognac. Les retours sont « Je pensais ne pas aimer le cognac mais je n’en avais jamais goûté de bons…  Idem pour le calvados. Le résultat est là, les produits sont top, le prix placé et les équipes savent bien en parler. Sur mon secteur, vendre des produits moins connus, m’a permis un maintien de marge supérieur à 50% sur ce rayon. L’armagnac, s’est bien vendu aussi mais comme toute l’année. » 

Cyriaque Crevel a La Vallée d’Auge (27) dit avoir aussi vendu davantage de Cognac et les Armagnacs du Tariquet pour des achats plaisir entre 50 et 100 € permettant à son CA de progresser de plus de 10%. 

Le caviste normand reste cependant un grand vendeur des productions locales de Calvados (Le Père Tranquille, Morin, Huet).

Sursaut des alcools de Tradition

Les ventes de calvados – dont les arrangés – se sont envolées aussi dans les Ardennes chez Emilie Blaise avec des bouteilles vendues jusqu’à 150 euros tandis que celles de Vieille Prune de Souillac ou Peureux ont été telles qu’elle a épuisé ses stocks .

« J’ai toujours un petit marché stable pour les eaux de vie de fruits » remarque Stéphane Profit en région parisienne, à Colombes (agrappa la cave).

Mais ce sont les ventes de liqueurs qui ont aussi été particulièrement dynamiques cette année et ce dans de nombreuses régions. 

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Grosse, et bienvenue, surprise pour Eric Pasquet, Vivin (92) qui a vu exploser ses ventes de spiritueux de 35% sur la fin d’année 2020 grâce en partie à ses découvertes artisanales, comme la Chartreuse bio de la distillerie Vert de Cœur aux 108 plantes, baptisée justement La 108.  

Titrant à 57%, ce délice liquide a conquis une clientèle à la recherche de recettes traditionnelles naturelles associant bien-être et plaisir.

Au point de contraindre le caviste de Neuilly à renouveler rapidement et plusieurs fois ses stocks auprès de l’artisan durant la saison. 

Le succès des Chartreuses sur cette fin d’année 2020 s’est vérifié chez Cyril Coniglio comme chez Patrick Jourdain, qui signale même des problèmes d’approvisionnements ne lui ayant pas permis d’exploiter à fond ce soudain et réel attrait des clients pour ces douces liqueurs… 

Bio et références artisanales aussi en matière de Gin et Vodka

C’est donc l’ensemble du rayon spiritueux qui a donc profité d’une fin d’année 2020 porteuse pour les références originales capables de révolutionner les codes.  Ce serait même le Gin qui aurait réussi la plus forte croissance annuelle en volume (+9,7 %) selon la Fédération Française des Spiritueux qui évoque aussi la belle progression des Amers (en particulier les Gentianes) et une tendance aux produits moins alcoolisés et moins sucrés.

Le renouveau du Gin semble en effet se confirmer cette année, selon différents témoignages de cavistes. Des gins locaux là encore, tels le Gin Malouin aux algues chez Eric Pasquet, Vivin, ou le Gin C’est Nous, distillé dans la région de Caen et vendu chez Cyriaque Crevel, à La Vallée d’Auge) ou premium à 50 euros, les ventes restent assez stagnantes.

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L’époque est paradoxale.

D’un côté, des menaces se profilent concernant la pression fiscale des alcools afin d’en limiter la consommation, ce qui ne peut qu’inquiéter les professionnels. De l’autre, les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux innovations et se plaisent à explorer là encore de nouveaux goûts et aromes.

Les feux sont donc au vert, la diversité et l’originalité sont les moteurs de cette nouvelle ère qui s’ouvre pour le segment des spiritueux chez les cavistes.

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